Opex et Capex : quelle différence pour un budget DSI ?

Opex Capex

Portés par la transformation numérique et la digitalisation des activités, les enjeux IT sont prépondérants dans les entreprises. Pour les mener à bien, le budget informatique tient souvent une place substantielle, faite d’investissements parfois conséquents. Dès lors, on comprend pourquoi la comptabilisation des dépenses informatiques est scrutée de près dans les bilans. Opex ou Capex, l’impact sur les résultats de l’entreprise n’est pas neutre, alors même que les modèles sont en pleine mutation. Comment les DSI doivent-ils se saisir de ces questions ? Quelle stratégie adopter ? Eléments de réponses.

Opex et Capex, de quoi parle-t-on ?

Commençons par quelques définitions. Les Opex et Capex ne sont pas des concepts propres aux DSI. Il s’agit de 2 notions comptables indispensables à la gestion financière de toutes les entreprises, quelque soit le budget de direction concerné.

Signification

Operational Expenditures

Capital Expenditures

Opex

Capex

Définition Dépenses d’exploitation nécessaires à l’entretien ou au fonctionnement récurrent de l’entreprise. En règle générale, il s’agit de coûts récurrents, consommés et soldés sur la durée de l’exercice Dépenses d’investissement orientées sur le développement à long terme générant une valeur future et faisant l’objet d’immobilisations comptables (actifs ayant à servir durablement l’exploitation de l’entreprise).
Type de dépenses concernées dans une DSI
  • Dépenses de maintenance
  • Abonnements, locations
  • Prestations et rémunérations de collaborateurs travaillant sur des sujets de gouvernance ou d’entretien du SI
  • Achats de matériels, logiciels
  • Prestations et rémunérations de collaborateurs travaillant sur des sujets d’investissement immobilisés
Impact comptable
  • Dépenses courantes, qui apparaissent en charges dans le compte de résultat.
  • Déduites du résultat fiscal, elles sont sans impact sur la structure actif/passif du bilan. 
  • Elles sont parfois recherchées parce qu’elles permettent de réduire les BFR (besoins en fond de roulement) et donc d’optimiser la gestion de trésorerie des entreprises

 > Exemple : une dépense de 600€ est réalisée en début d’année. Cette dépense n’est pas immobilisée.
L’impact sur le compte de résultat sera de 600€ en année N.

  • Leur vocation est de créer de la valeur sur le long terme 
  • Elles sont inscrites à l’actif du bilan et font l’objet de dotations aux amortissements (somme que représente la perte de valeur d’un bien en raison de l’usure du temps ou de son obsolescence, jusqu’à la fin de sa durée d’usage programmée) et de dépréciations.
  • Elles optimisent le résultat de l’entreprise car seules les dotations aux amortissements seront décomptées.

 >  Exemple : une dépense de 600€ est réalisée en début d’année pour une mise en service en milieu d’année. Cette dépense est immobilisée sur 3 ans. L’impact sur le compte de résultat (dotations aux amortissements) sera de :

  • 100€ en année N
  • 200€ en année N+1
  • 200€ en année N+3
  • 100€ en année N+4

Opex vs Capex, pourquoi le sujet est d’importance ?

De prime abord, le pilotage entre Opex et Capex n’est fondamentalement pas du ressort du DSI. Cette catégorisation de la dépense ne devrait pas rentrer en ligne de compte dans l’orientation de ses décisions d’achat, pour lesquelles seules les considérations techniques, opérationnelles ou la valeur ajoutée attendue devraient primer. Le DSI pourrait donc se contenter de piloter un budget d’engagements. Et pourtant, dans sa position de directeur, partie prenante de la stratégie et du résultat de son entreprise, l’impact financier doit être pris en considération.

Du point de vue de la Direction financière en revanche, l’attente est toute autre. De la capacité à immobiliser fortement ou non un certain nombre de dépenses IT va résulter la maximisation – ou pas – du compte de résultat. Présentation de résultats positifs, besoins de trésorerie, structure des coûts, etc. : côté DAF, l’équilibre entre Opex et Capex est analysé de près, pour tous les postes de dépenses de l’entreprise, et particulièrement pour les dépenses informatiques, par le poids qu’elles représentent.

Capex/Opex, comment le DSI doit-il se positionner ?

Dans le budget de la DSI, le sujet de l’arbitrage Capex Opex est complexe et pas systématiquement maitrisé. Dans de nombreux cas, il est même totalement transparent pour le DSI à qui on demande uniquement de piloter un budget d’engagement ( la fameuse vue « Cash out », cf ci-dessous). C’est à la seule Direction financière qu’incombe la distinction entre Opex et Capex, en fonction d’une politique d’immobilisations plus ou moins volontariste. Le DSI peut être impliqué sur l’identification des dépenses immobilisables mais pas dans l’impact chiffré.

À un degré plus avancé, il arrive que la direction informatique soit impliquée dans le pilotage Opex/Capex. Souvent, on lui adresse un cadrage « macro » avec un objectif de budget P&L (intégrant les Opex et les Dotations aux amortissements) qui implique pour elle de respecter pour l’ensemble de son budget de DSI un équilibre global. 

Pour s’y conformer, tout l’enjeu pour le DSI va consister à être en capacité d’identifier quels coûts relèvent de l’Opex (la dépense d’exploitation) et du Capex (la dépense d’investissement). Il doit donc piloter précisément la donnée financière de son budget, et pour cela déterminer finement la catégorie et la nature de chaque achat, en suivre les évolutions et en faire des reporting. L’achat d’un nouveau logiciel se fait-il sous forme d’achat de licences ou d’abonnement ? L’hébergement est internalisé avec achat des équipements ou infogéré chez un hébergeur ? Ce découpage précis ne peut se faire que si l’on dispose de bonnes clés d’analyse du budget, et d’outils de gestion efficaces et facilitants qui permettent de croiser et reconsolider le tout.

En forçant le trait, cette seconde approche pourrait toutefois cantonner le DSI dans un rôle d’exécutant des consignes ou instructions budgétaires émanant de la DAF. Elle n’est ni suffisante ni satisfaisante à l’ère de l’agilité, et le DSI a tout intérêt à s’intéresser de plus près à la question des Opex/Capex pour renforcer la qualité de son dialogue avec le DAF et positionner sa direction comme un véritable centre de valeur.

Comment peut-il procéder ?

1- Expliquer les tendances de fond du marché

Ces dernières années, le marché a considérablement évolué. L’émergence et le développement des modèles Cloud et Saas et plus globalement de toutes les approches « as a service » ont progressivement supplanté les anciennes façons de faire et de gérer les dépenses informatiques :

  • Désormais, on loue des services externalisés d’hébergement dans le cloud plutôt que d’investir dans des serveurs ou infrastructures en propre
  • On souscrit des abonnements à un logiciel « as a service » plutôt que d’investir des licences
  • On peut avoir tendance à privilégier l’externalisation dans un centre de services plutôt que de pourvoir des recrutements en interne, etc.

Comme déjà évoqué, les choix du DSI doivent être avant tout guidés par des considérations d’efficacité IT et non financières. Basculer une application précédemment « on premise » en mode Saas (Software as a service), ouvrir un projet de bascule dans le cloud, doivent répondre en priorité à des objectifs opérationnels, et non comptables.

En revanche, sur ces mutations, les DSI sont les « sachants » ; c’est à eux de détecter aussitôt que possible ces tendances de marché assez inéluctables et d’expliquer à leurs interlocuteurs de la DAF, avec pédagogie, en quoi les conséquences peuvent être gagnantes pour l’efficience opérationnelle de leur direction mais aussi pour les finances de l’entreprise.

2- Dialoguer sur la création de valeur

Certes, l’apparition des modèles cloud et des logiciels « as a service » a progressivement inversé le ratio Capex/Opex sur les dépenses IT. Mais ils ne sont pas forcément un mauvais calcul et présentent de nombreux avantages pour donner de la valeur au budget de la direction informatique : avec les logiques d’abonnements, les DSI gagnent en effet considérablement en souplesse et en agilité, avec un pilotage beaucoup plus flexible de leur budget car il est plus facilement orienté à l’usage. Il y a fort à parier que les DAF peuvent être sensibles à ces arguments qui permettent de ne commander donc de ne dépenser que le strict nécessaire, d’être réactif en cas d’évolution des besoins, de bénéficier sans attendre de nouveautés, etc. 

Dans ce contexte, la qualité du dialogue entre la DAF et la DSI est clé. Investissement ou exploitation : en étant proactif sur ces questions, le DSI va faire la démonstration qu’il ne se détourne pas des questions de résultats de l’entreprise et de la contribution de sa DSI comme un centre de valeur.

3- Co-construire des solutions pour contenir l’impact de ces évolutions

Ainsi, à court terme, la baisse drastique de la part des Capex va avoir pour conséquence de déséquilibrer le compte de résultat et d’en présenter une vision dégradée aux yeux des financiers. Mais elle peut être un bon calcul en termes d’agilité à piloter son service informatique. Aux DSI de se saisir de ce sujet et d’être apporteur de solutions : par exemple, en suggérant de planifier et lotir dans le temps ces transitions pour en lisser les impacts. De cette façon, on s’inscrit dans une trajectoire maitrisée.

4- Présenter son budget pour faciliter les arbitrages

Dernier point, et non des moindres : la présentation et la validation du budget de la DSI. Dans les échanges avec la direction de l’entreprise, il est parfaitement courant que certains arbitrages budgétaires soient pris à l’aune de la balance Opex/Capex. La connaissance et la maitrise par le DSI du coût financier de tel et tel projet est donc loin d’être anodine. Ainsi, une ligne budgétaire présentée en « Capex » (dépense d’investissement) peut être arbitrée positivement sans difficulté car d’un point de vue comptable, si elle est amortie sur la durée, elle sera perçue comme « ne coûtant rien ». De quoi rôder des arguments et en tout cas entretenir un niveau de dialogue pertinent avec la direction financière.

Tenir compte du contexte.

La répartition entre dépenses Opex/Capex n’est pas gravée dans le marbre et doit elle-même être arbitrée avec agilité par les directions financières. Cet équilibre entre coût de fonctionnement et coût d’investissement doit s’éclairer de facteurs endogènes ou exogènes à l’entreprise :

  • On l’a vu, elle est d’abord étroitement dépendante de l’émergence de modèles qui peuvent impacter directement la catégorisation des dépenses (Saas > abonnement > Opex ; Cloud > location > Opex) et sur l’équilibre entre les deux. C’est ainsi que ces dernières années, la balance des dépenses IT s’est totalement inversée entre Capex et Opex.
  • Il faut également tenir compte du contexte dans lequel évolue l’entreprise. Les phases de transformation forte, orientées « grands projets » et dans lesquelles doivent être consentis de lourds investissements, sont particulièrement indiquées pour les immobilisations. Maximiser les Capex permet ainsi de lisser les dépenses sur la durée.
    À l’inverse, si le budget de la DSI est dominé par des dépenses de fonctionnement (Run), cette préoccupation peut passer au second plan car la balance Opex/Capex est alors tributaire des politiques et des arbitrages du passé, qui courent dans le temps.
  • Autre cas de figure : en cas de pression forte sur le budget, l’externalisation de certains services ou prestations (et donc leur passage du capex vers l’Opex) peut permettre de réduire les coûts internes, et de dégager de la disponibilité des équipes qui peuvent être réallouées à d’autres projets plus stratégiques ou qui doivent rester « propriétaires ». 
  • Le contexte macro-économique peut également rentrer en ligne de compte. Il est alors intéressant pour le DSI de suivre l’impact de ces tendances de fond qui peuvent lui fournir des arguments clés lorsqu’il s’agira de défendre son budget informatique. Ainsi, dans un contexte inflationniste tel que nous le connaissons depuis quelques mois, on peut faire le calcul de basculer sur des modèles d’abonnement qui vont paraitre plus favorables en termes de trésorerie que les Capex ; en revanche, ils sont tributaires d’éventuelles évolutions tarifaires mensuelles ou annuelles à la main des éditeurs ; un sujet à garder en tête pour prendre les décisions avec toutes les cartes en main.

Bonus : quel budget pour piloter les Opex/Capex ?

La question se pose car la confusion règne souvent. La définition de ces deux vues budgétaires peut être difficile à appréhender dans les entreprises dans lesquelles la stratégie financière est peu partagée avec les Métiers.

La vue dite « cash out » (ou d’engagement) d’un budget est une vue orientée trésorerie qui va correspondre aux commandes et factures passées pour l’exercice. Elle permet de visualiser toutes les dépenses qu’elles soient comptabilisées en Opex OU en Capex. Dans ce modèle, on n’intègre pas les dotations aux amortissements.

A contrario, la vue P&L (Profit&Loss) est une vue « économique » adossée au compte de résultat. Elle intègre les dépenses Opex, les dotations aux amortissements et les reports de charges ou provisions. 

Selon les besoins et la stratégie poursuivie, il peut être intéressant de naviguer en parfaite agilité entre ces deux vues qui n’offrent pas les mêmes clés de lecture pour les entreprises.